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International Conference
Origin of the State. Predynastic and Early Dynastic Egypt

(Cracow, Poland: 28th August - 1st September 2002)
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Les peintures sur vases Nagada I-II. Nouvelle approche sémiologique

Gwenola GRAFF

Tours (France)

L'iconographie des vases nagadiens peints a fait l'objet d'un travail de thèse, soutenue en juin 2002 à l'université de Paris-Sorbonne.

Ce travail porte sur un ensemble de 470 vases datés de 3900 à 3200 av. J.-C.. Ce laps de temps correspond aux deux premières phases de la culture nagadienne, d'après le nom du site éponyme de Haute-Egypte, Nagada. Cette culture est caractéristique du sud du pays.

Les vases sont ornés d'un décor figuratif, blanc sur fond rouge pour la première période (Nagada I ou Amratien) et rouge sur fond beige pour la seconde (Nagada II ou Gerzéen). Les objets ont été vus dans des collections (au Louvre, à Saint-Germain-en-Laye, à l'université de Strasbourg et aux Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles) et surtout recueillis d'après les publications disponibles. En fonction des vases publiés ou accessibles, l'étude repose donc sur un corpus de 470 objets.

Depuis la fin du XIX ème siècle, date de la découverte de cette culture antérieure à la civilisation pharaonique, l'interprétation de ces décors pose problème: on a voulu en faire une lecture anecdotique, retraçant la mise en place du pouvoir royal centralisé et/ou l'institution de la religion funéraire telle qu'on la connaît aux époques ultérieures. L'image reste rétive à ce type de lecture. Aussi une nouvelle tentative d'approche du problème iconographique était-elle nécessaire, qui mette à profit les acquis de la sémiologie de l'image fixe.

En retranscrivant la double articulation du langage saussurienne au niveau du langage pictographique, on a défini un découpage en éléments simples. Ces éléments ont été classés en grands ordres: les humains, les animaux , les végétaux, la navigation, les armes et les pièges, les peaux animales, les éléments géographiques et les éléments non identifiés malheureusement nombreux. Chaque élément a été identifié le plus précisément possible.

Un deuxième stade présente les combinaisons d'éléments simples. Intervient ici la notion de mise en relation. Ceci a permis, dans un premier temps, de dégager des groupes d'éléments caractéristiques de l'une ou de l'autre des phases de Nagada, ou de la transition entre les deux. Certains éléments marqueurs de Nagada II ne sont jamais mis en présence de signes caractéristiques de Nagada I, et vice versa. Certaines règles d'associations ou exclusion systématique apparaissent.

Les analyses s'achèvent par un chapitre consacré aux scènes. On recense et définit ainsi les scènes de chasse/pêche, les scènes de navigation, les scènes rituelles, les scènes à peaux animales, les scènes animales, les scènes végétales. Certaines scènes sont plus propres à une période qu'à une autre.

On constate ainsi que les Egyptiens ne rendent absolument pas compte dans ces peintures de leur univers quotidien. Le choix des représentations animales ne correspond pas à la consommation.

La troisième partie reprend et développe les résultats acquis par l'analyse. Pour commencer, on a cherché à appréhender de quelle manière les éléments se répartissent selon les catégories de classement nagadiennes et non plus en leur plaquant une grille de lecture contemporaine. Il semble que les Nagadiens aient réparti les animaux en fonction de leur biotope, nilotique ou steppique.

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Des représentations graphiques ont été données, qui permettent de visualiser les principales règles d'association et d'exclusion des éléments de Nagada II. Il s'agit d'une projection des points donnés par les présences et les absences sur des axes, déterminés par l'analyse factorielle des comparaisons. Un graphique général montre une répartition en deux couples ou dyades très fortement opposés. Les éléments constitutifs sont l'addax et la femme d'une part, un arbre semi-circulaire ( la fameuse plante nagadienne) et une peau animale tendue sur des bâtons croisés d'autre part.

Le fonctionnement de ces décors n'est donc pas linéaire, comme un déroulé dans le temps, mais simultané et à densité variable; la zone focale est constituée par les dominantes, environnée par des signes neutres, avec des signes mineurs en nombre variable sur la périphérie. L'image qui vient à l'esprit est celle d'une nébuleuse.

Une question qui découle de la découverte des couples phares opposés dans la peinture nagadienne porte sur le choix des éléments, la raison de la complémentarité des uns et de l'opposition des autres. On en vient à examiner les vestiges archéologiques nagadiens concernant certains de ces éléments des dyades et à remonter à certains grands mythes pharaoniques qui mettent en scène l'arbre et la femme, la peau animale et le renouvellement de la vie.

Le dénominateur commun entre tous ces éléments apparaît: la femme bien sûr, mais aussi la peau animale, la nébride, l'arbre sont des matrices permettant la régénération du mort.

En franchissant le hiatus de deux siècles entre la disparition de la peinture sur vases et l'apparition de l'écriture, on a tenté un parallèle entre les structures de la peinture nagadienne et les structures syntaxiques de la langue de l'Ancien-Empire, telle qu'elle est connue par l'écriture. La structuration mentale est continue. Ceci ne signifie pas que la peinture nagadienne est une écriture, mais un système graphique préliminaire, nécessaire à son apparition. La différence ne réside pas dans la nature mais dans le degré de complexité et les possibilités d'expression.

La contribution de la peinture nagadienne consiste plus dans l'élaboration d'une proto-syntaxe que dans la transmission d'un catalogue de signes.

Alors que les vases peints atteignent leur plus haut degrè de développement et de complexité à Nagada II c-d, ils disparaissent à Nagada III. L'image passe sur d'autres supports ( palettes à fard, têtes de massue, manches de couteau, ...) durant les deux siècles qui la séparent de l'apparition de l'écrit.

Cette approche sémiologique de l'iconographie des vases peints nagadiens, la première du genre, a permis de comprendre en partie le fonctionnement interne de l'image, mais aussi de dégager une préoccupation majeure dans la pensée pharaonique déjà présente à l'époque nagadienne: le thème du renouvellement de la vie. Tous les éléments dégagés dans la synthèse contribuent à redonner magiquement vie au défunt.

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